L'espace de la gravitation quantique perd-il ses points et devient-il sans but si la lumière s'y évapore dans un feux trop intense?

Défense et illustrations du point de vue spectral pour rapprocher gravitation et théorie quantique des champs
Jusqu'à présent sur ce blog il a été beaucoup question du modèle standard presque commutatif et de ses extensions non commutatives, de leur intérêt pour mieux comprendre la structure du modèle standard et l'origine de la brisure spontanée de la symétrie électrofaible voire prédire d'éventuelles symétries élargies. Il a aussi été question de la résilience certaine du pouvoir de postdiction et de prédiction de ce genre de modèles vis-à-vis des paramètres du boson de Higgs et de l'absence de détection de particules supersymétriques à l'échelle du TeV. 
Nous allons aujourd'hui élargir un peu notre champ d'investigation, en abordant le problème de la gravitation quantique non pas tant dans la (trop?) vaste perspective des "théories du Tout" comme le font semble-t-il les théories des supercordes/la théorie M, mais plus modestement avec l'idée d'éprouver certains outils forgés d'abord par et pour la théorie quantique des champs renormalisables, avant d'être utilisés dans le contexte du principe spectral de la géométrie non commutative, en les poussant dans leurs derniers retranchements, c'est-à-dire jusqu'à l'échelle de Planck. Il sera question de techniques de développement asymptotique du noyau de la chaleur autant sinon plus que de triplet spectral, et le physicien ainsi équipé pour s'élever vers des cimes inconnues verra que la voie qu'il attaque a déjà été ouverte par des théoriciens célèbres sinon légendaires comme Faddeev, Popov et avant eux Sakharov. Puissent-ils l'accompagner dans son ascension comme ils accompagnent déjà les travaux des trois chercheurs auxquels nous laissons maintenant la parole:

There are indications that at very high energy, of the order of Planck mass mp=1019GeV the behaviour of particles is profoundly altered by the onset of gravitational effects. The first to notice this has been Bronstein [1] in 1936 and since then there have been several attempts to describe the quantum field theory of fields at high energy or small distances. Also in string theory the very high energy behaviour in the scattering of particles [2, 3] shows the existence of some sort of generalized uncertainty, whose Hilbert space representation [4] leads to a position operator which has self-adjoint extensions defined on a set of continuous lattices, so that nearby points cannot be described by the same operator. In loop quantum gravity it is the area operator which is quantized [5], while an operatorial analysis of spacetime non commutativity in quantum field theory is in [6] 
In this letter we investigate the propagation of bosons. To this purpose we will use spectral techniques to study the actions. These techniques are ideally suited to tackle problems where the structure of spacetime may be fundamentally altered. The programme of noncommutative geometry [7] is in this direction, but the general ideas have a broader scope. Finite mode regularization, based on the spectrum of the wave operator, was introduced in QCD [8-10] The bosonic spectral action, appears not just in a context of noncommutative geometry, but also it naturally appears in QFT under the spectral regularization [11, 1213], for description of Weyl anomaly and also phenomena of induced Sakharov Gravity [14] and cosmological inflation [15]. 
For the scope of this paper we will use the spectral action, and the heat kernel techniques will be used to extract field theoretic information from it. The spectral action is defined in the presence of an energy scale Λ, which serves as cutoff. In this sense for us the high energy limit means in the proximity of Λ. Since the scale may signify a phase transition, what we are effectively investigating is the behaviour of these field as this phase transition occurs. The main result of this note is that the propagation of bosons effectively stops at high energy, in a precise way we describe below. We interpret this as an indication that the phase transition involves the fundaments of space time, and that at high scale points effectively decouple, giving rise to a “pointless” space. 
Il y a des indications comme quoi à très haute énergie, de l'ordre de la masse de Planck mp=1019GeV le comportement des particules est profondément modifié par l'apparition d' effets gravitationnels. Le premier à remarquer cela a été Bronstein [1] en 1936 et depuis lors, il y a eu plusieurs tentatives pour décrire la théorie quantique des champs à haute énergie ou à petite échelle. En théorie des cordes aussi le comportement à très haute énergie de particules diffusées [2, 3] montre l'existence d' une sorte d'incertitude généralisée, qui se traduit dans l'espace de Hilbert [4] par l'existence d'un opérateur de position aux extensions auto-adjointes définies sur un ensemble de réseaux continus de sorte que des points voisins ne peuvent pas être décrits par le même opérateur. Dans la gravitation quantique à boucles, c'est l'opérateur qui décrit l'aire qui est quantifié [5], tandis qu'en théorie quantique des champs une analyse opératorielle met en évidence un espace-temps non commutatif [6].
Dans cet article nous étudions la propagation des bosons. Pour ce faire, nous allons employer des techniques spectrales pour étudier l'action. Ces techniques sont idéalement adaptées pour résoudre des problèmes où la structure de l'espace-temps peut être fondamentalement modifiée. Le programme de la géométrie non commutative [7] va dans ce sens, mais les idées générales ont une portée plus large. La régularisation par mode fini, basée sur le spectre de l'opérateur d'onde, a été introduit en QCD [8-10]. L'action spectrale bosonique apparaît non seulement dans le contexte de la géométrie non commutative mais aussi naturellement dans celui de la théorie quantique des champs avec la régularisation spectrale [11, 12, 13], pour la description des anomalies de Weyl  et aussi des phénomènes de gravité induite de Sakharov [14] et l'inflation cosmologique [15].
Pour le champ d'application de cet article, nous allons utiliser l'action spectrale et les techniques du noyau de chaleur seront utilisées pour extraire l'information sur les champs de celle-ci. La mesure spectrale est définie en présence d'une échelle d'énergie  Λ qui sert de coupure. En ce sens, la limite supérieure d'énergie signifie pour nous la proximité de Λ. Puisqu'à cette échelle peut subvenir une transition de phase, ce que nous étudions de fait c'est le comportement de ces champs lorsque la transition de phase se produit. Le résultat principal de cette note est que la propagation des bosons s'arrête à haute énergie, d'une certaine manière que nous précisons ci-dessous. Nous interprétons cela comme une indication que la transition de phase met en jeu les bases de l'espace-temps, et qu'à haute énergie les points se découplent de manière effective, donnant lieu à un espace "sans point" (sans but).
M. A. Kurkov, Fedele Lizzi and Dmitri Vassilevich, High energy bosons do not propagate08/12/2013

Sotie : en clin d'oeil à la dernière réponse du précédent billet, il est assez plaisant de voir que dans ce jeu pour grands enfants consistant à chercher des indices d'une gravité quantique quasi-inaccessible à l'expérience directe, des physiciens espèrent s'en rapprocher théoriquement grâce à un objet qui s'appelle formellement "le noyau de la chaleur"; espérons qu'ils "chauffent" effectivement, autrement-dit qu'ils soient plus prêt d'une solution aujourd'hui qu'hier, mais souhaitons leur aussi de ne pas se brûler les ailes à s'approcher aussi hardiment du "soleil" (en découvrant rétrospectivement quelque incohérence dans leur théorie ou erreur dans leurs calculs).

//traduction, corrections et quelques ajouts effectués le 21/02/2014

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